Épandage d'insecticide et d'herbicide dans la région d'Angoulême ©AFP - JEAN-FRANCOIS MONIER
Épandage d'insecticide et d'herbicide dans la région d'Angoulême ©AFP - JEAN-FRANCOIS MONIER
vidéo
Épandage d'insecticide et d'herbicide dans la région d'Angoulême ©AFP - JEAN-FRANCOIS MONIER
Publicité

Hugo Clément revient sur les déclarations d’un élu affirmant à la télévision que l'acétamipride ne tue pas les abeilles, contrairement aux conclusions d'études scientifiques.

Apparemment aujourd’hui on peut raconter n’importe quoi sur un plateau, sans que ça fasse trop de vagues. J’ai même envie de vous dire : plus c’est gros plus ça passe. Vous allez comprendre.

Pour Laurent Duplomb, l’acétamipride n’est pas un produit toxique

Le sénateur LR de Haute-Loire, Laurent Duplomb, était invité de la chaîne Public Sénat le 28 janvier 2025 (12ème minute d'émission), pour défendre sa proposition de réautoriser l’acétamipride, un insecticide interdit en France depuis 2018 à cause de ses effets nocifs sur la nature. Ce produit fait partie de la famille des néonicotinoïdes, les fameux pesticides tueurs d’abeille, MAIS Laurent Duplomb veut le remettre sur le marché et voici ce qu’il a dit à la télé. « L’acétamipride n’est pas considéré par l’EFSA et d’ailleurs aussi par l’ANSES français comme un produit toxique, elle le dit dans plusieurs analyses, elle ne dit pas non plus que c’est un produit qui tue les abeilles. »

Publicité

Laurent Duplomb dit que l’acétamipride n’est pas considéré comme un produit toxique. Alors ça vous voyez, c’est un peu comme si je disais que vous êtes Nicolas Demorand, blond, tatoué, que vous mesurez un mètre 95 et que vous êtes surfeur professionnel.

Bon ben c’est faux hein. Pour le savoir, il suffit de contacter les chercheurs qui travaillent sur les néonicotinoïdes. J’en ai eu deux au téléphone.

Pour les chercheurs, l’acétamipride présente une forte toxicité

D’abord Philippe Grandcolas, directeur de recherche au CNRS et entomologiste, c’est-à-dire spécialiste des insectes. Il explique que l’acétamipride est, je cite, d’une « toxicité terrible » pour les insectes et que ce produit se diffuse dans l’environnement, en touchant aussi les oiseaux ou les vers de terre.

Le sénateur Duplomb affirme sans trembler que l’Anses, l’agence de sécurité sanitaire française, ne considère pas l’acétamipride comme toxique. Mais là encore, c’est faux, il est écrit noir sur blanc dans des rapports d’évaluation disponibles sur le site de l’agence que l’acétamipride présente, je cite encore, une « forte toxicité » pour les organismes aquatiques et terrestres.

J’ai aussi contacté Jean-Marc Bonmatin, chercheur au CNRS, chimiste-toxicologue. C’est l’un des meilleurs spécialistes des néonicotinoïdes et ce qu’il m’a dit est encore plus accablant. Jean-Marc Bonmatin m’a expliqué que si l’acétamipride n’est pas le pire néonicotinoïde pour les abeilles, c’est en revanche probablement le pire pour… la santé humaine ! En effet, selon le chercheur, l’un des métabolites issus de la dégradation de l’acétamipride a la particularité de rester plus longtemps que les autres dans le corps humain.

À écouter aussi

Dijon : une ferme expérimentale sans pesticide anticipe l'avenir

Le Zoom de France Inter

4 min

Un risque pendant les grossesses, et risque de cancer

Et les études ont montré que l’exposition aux néonicotinoïdes pouvait être liée à des problèmes de neuro-développement chez le fœtus, à des cancers du foie, de la thyroïde et des testicules chez l’adulte, ou encore à des maladies rénales chroniques. Bref, ce n’est pas pour rien que cette molécule a été interdite.

En affirmant à la télévision qu’elle n’est pas toxique, le sénateur Duplomb participe à une stratégie bien connue du lobby des pesticides : semer le doute dans la tête des citoyens, qui ne savent plus qui croire. C’est scandaleux, mais ça marche, car démasquer un mensonge prend bien plus de temps que de le diffuser. La preuve, je viens de passer 3 minutes à expliquer qu’une phrase de 11 secondes était fausse…

L'équipe

pixel