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Par Pauline Mareix
Publié le 05 janvier 2024 à 07h30
• Mis à jour le 04 janvier 2025 à 11h38 •
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En soirée, Alice préférera toujours un sirop de grenadine ou un thé glacé à une bière. « C’est comme ça, résume la jeune femme de 18 ans. Certains pensent que je suis coincée. D’autres me disent “t’inquiète pas, moi non plus je n’aimais pas ça avant, ça viendra avec le temps”. » Mais Alice en est sûre : non, ça ne viendra pas avec le temps.
Comme elle, nombreux sont les jeunes, disons de moins de 25 ans, qui ont modéré voire stoppé leur consommation d’alcool. En mars dernier, l’enquête Escapad menée par l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) révélait un recul généralisé de l’usage de l’alcool chez les jeunes de 17 ans, par rapport à 2017, année de référence avant la crise sanitaire. En 2022, détaille l’enquête, 19,4 % des adolescents interrogés déclaraient n’avoir jamais bu d’alcool. Soit une hausse de cinq points par rapport à 2017.
Une tendance que confirme le sociologue de la santé à l’université de Bordeaux Emmanuel Langlois : « Après un pic entre les années 1930 et 1950, où on n’a jamais bu autant de vin en France qu’à cette période, la consommation moyenne a baissé à partir des années 1960 », contextualise-t-il. D’après le sociologue, les jeunes ont une « plus grande sensibilité au risque, en particulier chez les filles qui m’ont rapporté leur crainte de l’agression sexuelle ». Ce qu’Alice confie à demi-mot : « J’ai vraiment peur de ne pas être consciente de mes actes. » Anna, 21 ans, a déjà « perdu le contrôle ». C’était lors d’un anniversaire après lequel elle s’est juré de ne plus jamais retoucher au rosé ou au whisky dont elle avait abusé ce soir-là.
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D’autres raisons expliquent le phénomène. Les campagnes de prévention qui portent leurs fruits, estime, d’abord, Emmanuel Langlois. « Mais il y a aussi un autre aspect, un peu plus culturel, ajoute le sociologue. Avant, boire, c’était branché, transgressif, un peu adulte. C’est en train de changer d’image. » À la faveur, notamment, des réseaux sociaux qui véhiculent un certain culte du corps et prônent l’importance d’une vie en bonne santé. « On trouve de nombreux partages d’expériences, bonnes ou mauvaises. Beaucoup de gens jouent des rôles préventifs même si ce n’est pas leur métier. »
Cependant, si les témoignages et les enquêtes chiffrées attestent d’une consommation moindre, le binge drinking, qui consiste à s’alcooliser sur un temps très court, lui, ne diminue pas, bien au contraire, nuance le Pr George Brousse, psychiatre et chef du service d’addictologie du CHU de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). « La consommation ponctuelle d’alcool chez les jeunes a fortement augmenté sur les dix dernières années. On le constatait de façon importante chez les garçons et cela remonte chez les filles. »
En outre, les jeunes ont tendance à se détourner vers les médicaments, observe Emmanuel Langlois. « Ils sont dans la fête mais pensent garder le contrôle. Les médicaments sont jugés plus sûrs car les effets selon la dose sont connus. » Mais quand ils sont mélangés, eux aussi présentent un risque. Et, rappelle le sociologue, « ils peuvent être utilisés pour des agressions »
À lire. Le nouveau monde des drogues - De la stigmatisation à la médicalisation, par Emmanuel Langlois, aux éditions Armand Colin.
Pauline Mareix
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